lundi 23 août 2021

AMBIGUÏTÉS DE LA RÉGLEMENTATION ACOUSTIQUE DE CONSTRUCTION

 

LE QUESTIONNEMENT DES DEMANDEURS

Les demandeurs aux procès s'étonnent couramment de la conformité réglementaire de leur logement devant l'importance de la perception des bruits provenant des appartements voisins ou engendrés par les équipements techniques de l'immeuble.

Il est alors bien difficile de leur faire accepter l'idée que l'on peut être gêné par les bruits intérieurs sans pour autant que les règles acoustiques de construction ne se trouvent enfreintes; ce que le C.S.T.B. expliquait déjà en 1982 dans le R.E.E.F. - Volume II - Acoustique:

"Le simple respect des valeurs réglementaires en matière d'isolation interne ne permet pas un confort satisfaisant si l'environnement est totalement silencieux (campagne)"

Différentes ambiguïtés de la réglementation de la construction viennent expliquer ce hiatus entre le confort attendu et la qualité acoustique délivrée dans les nouveaux logements, avec en particulier pour origine: la confusion entretenue par les pouvoirs publics entre le seuil d'infraction et la norme à satisfaire, l'excès d'audibilité des bruits intérieurs par suite du trop fort isolement vis-à-vis de l'environnement extérieur ou encore l'insuffisance des critères réglementaires ou normatifs par rapport à la sensibilité auditive et aux conditions usuelles d'occupation des logements.

Il est rappelé que l'article L.154-1 du C.C.H. créé par l'ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 fixe que la construction des logements doit avoir pour objet de conférer un confort acoustique propre à l'usage:

"Les bâtiments sont conçus, construits, rénovés et équipés de façon à limiter les niveaux de bruits à l'intérieur des locaux et leur conférer une qualité acoustique propre à leur usage, dans un contexte d'utilisation normale des bâtiments et locaux compte tenu des nuisances sonores habituelles issues des lieux avoisinants."

Il sera relativement apprécié que le rédacteur du C.C.H. puisse référer la qualité acoustique propre à l'usage aux conditions de nuisances sonores habituelles issues des lieux avoisinants, en participant ainsi à la vulgate psychogène consistant à confondre bruit et nuisance, mais surtout en omettant de considérer que le déficit de qualité acoustique apparaît d'autant plus manifeste que l'environnement se trouve davantage silencieux.

Les requérants sont également conduits à s'étonner de l'absence de réglementation acoustique dans les opérations de réhabilitation ou de changement de destination en dépit de l'étendue des travaux réalisés sur les existants où parfois seuls les éléments de structure se trouvent conservés.


LES OUVRAGES RÉGLEMENTÉS 

Les arrêtés fixant les règles acoustiques de construction des habitations sont pris en application de l'article R.111-1-1 du C.C.H., lequel vise expressément les constructions ou les parties de construction nouvelles:

"Les dispositions du présent chapitre sont applicables dans toutes les communes à la construction des bâtiments d'habitation nouveaux ainsi qu'aux surélévations de bâtiments d'habitation anciens et aux additions à de tels bâtiments."

De même les arrêtés du 25 avril 2003, relatifs aux établissements d’enseignement, de santé et aux hôtels, sont pris en application de l’article R.111-23, lequel vise également les bâtiments nouveaux ou parties nouvelles de bâtiments anciens.

De la sorte l’assujettissement au permis de construire, le changement de destination ou le caractère lourd d’une rénovation ne constituent pas des motifs d’application de la réglementation acoustique nationale visant l'ensemble des rubriques de bruit.

Il existe tout de même une exception pour les immeubles existants se situant dans les zones de dépassement des valeurs limites des cartes de bruit routier et ferroviaire ou dans une zone de bruit du plan de gêne sonore d’un aéroport (P.G.S.) pour lesquels le décret du 14 juin 2016 impose d'isoler acoustiquement les façades et les toitures en cas de travaux de rénovation importants.

Citons encore pour les bâtiments existants les règles fixées par ceux des arrêtés préfectoraux reprenant l'article 6 du modèle d'arrêté proposé par la circulaire du 7 juin 1989 avec trois obligations essentielles: 

1- L’obligation de maintenir la qualité de la protection acoustique telle qu’elle se trouvait assurée à l’origine de la construction par les constituants de toute nature des bâtiments; c’est-à-dire à la fois par les différents composants des ouvrages ayant un impact sur l’origine et la transmission des bruits ainsi que par la qualité acoustique et vibratoire des équipements et de leurs accessoires, 

2- L’obligation de ne pas dégrader la qualité de l’isolement initial lors de travaux ou d’aménagements, 

3- L’obligation de prendre les meilleures précautions acoustiques et vibratoires lors de l’installation de nouveaux équipements.

On remarque que ces obligations départementales ne fixent pas de seuil d'infraction et qu'elles ne s'appliquent pas aux opérations de réhabilitation lourde, en laissant ainsi toute initiative aux locateurs d'ouvrage.

Il est alors compréhensible que l'acquéreur ou le locataire d'un logement d'un immeuble réhabilité, dont l'ensemble des composants de clos, de couvert, de distribution, d'équipement et d'embellissement sont strictement nouveaux, puisse trouver anormal de ne pas bénéficier d'une protection acoustique correspondant aux possibilités techniques et de distribution des locaux offertes par l'étendue des travaux réalisés.


LE SEUIL D'INFRACTION OU L'OBJECTIF ?

L'infraction relevant d'un comportement interdit, dûment punissable, il est pour le moins ambigu dans le domaine de la réglementation acoustique de la construction que l'élément constitutif de l'infraction, exprimé en quantité de décibels, soit devenu avec le temps le résultat minimal à atteindre.

C'est pourtant ainsi que l'article L154-4 du C.C.H. créé par l' ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 (version en vigueur depuis le 01 juillet 2021) se trouve rédigé:

"Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent chapitre et notamment les résultats minimaux à atteindre, ainsi que les catégories de bâtiments et de locaux qui y sont soumis."

Rappelons que l'article R111-4 (version en vigueur du 01 septembre 2019 au 01 juillet 2021), abrogé par le décret n°2021-872 du 30 juin 2021 pris en application de l'article 49 de la loi ESSOC, se trouvait rédigé non pas en termes de résultats à atteindre mais de seuils limites, ce qui correspond davantage à l'expression attendue d'un règlement:

"Compte-tenu des modes d'occupation normalement admissibles, l'isolation des logements doit être telle que le niveau de pression du bruit transmis à l'intérieur de chaque logement ne dépasse pas les limites fixées par un arrêté conjoint du ministre chargé de la construction et de l'habitation et du ministre chargé de la santé. Le bruit engendré par un équipement quelconque du bâtiment ne doit pas dépasser les limites fixées dans la même forme."

Ainsi la réglementation acoustique de la construction des immeubles d'habitation véhicule aujourd'hui l'ambiguïté suivant laquelle le seuil de la sanction constitue tout autant l'objectif à satisfaire.

Que ne comprendrait-on si l’article R.234-1 du Code de la route se trouvait rédigé à l'instar du Code de la construction en fixant un taux d’alcool de 0,50 gramme comme résultat maximal à atteindre par le conducteur ?

On remarque que ce glissement sémantique du référentiel délictuel se trouve en fait inauguré par la Nouvelle Réglementation Acoustique (N.R.A.) arrêtée le 28 octobre 1994 et confirmée par l'arrêté du 30 juin 1999 :

" L'isolement acoustique standardisé pondéré, entre le local d'un logement, considéré comme local d'émission, et la pièce d'un autre logement du bâtiment considérée comme local de réception, doit être égal ou supérieur aux valeurs indiquées dans le tableau ci-dessous …" (article 2)",

tandis que dans l'arrêté originel du 14 juin 1969 il est bien précisé que le niveau du bruit aérien «ne doit pas dépasser» la valeur fixée.

Dès lors qu'un règlement prévoit que la limite de la sanction pénale peut constituer l'objectif à atteindre, il devient sans doute permis de se demander si la loi n'établit en l'espèce que "des peines strictement et évidemment nécessaires" (disposition constitutionnelle) ou si la définition d'une caractéristique minimale n'engage pas déjà le principe d'un confort élémentaire au sens normatif, autrement dit au sens de ce qui doit être.

Ainsi la Cour de cassation ne manque pas de rappeler dans le cas de bruits de voisinage que le seuil du supportable peut être inférieur à celui prévu par les règlements qui "fixent un seuil de danger et non de gêne" (Civ. 3°, 8 mars 1978, D.1978.641, note Larroumet).

Ce dévoiement lourd de sens conduit en toute cohérence les ministères de l'Égalité des territoires et du Logement ainsi que de l'Écologie et du Développement durable à éditer un Cahier d'exemples de solutions acoustiques "calculées de telle sorte qu'elles conduisent à la conformité à la réglementation acoustique…" et différents fabricants de produits de construction mentionnent dans leur documentation que leurs dispositifs sont conçus à l'effet de répondre au critère réglementaire.

On doit remarquer que le mode rédactionnel normatif de la réglementation incite surtout les maitres d'ouvrage à retenir le critère de la sanction comme programme de qualité, au point que d'aucuns arguent dans la publicité de leurs opérations ou dans la notice descriptive contractuelle en V.E.F.A. respecter les objectifs de la N.R.A, ce qui se trouve pour le moins attendu de la part de l'acquéreur ou du locataire s'agissant d'un dispositif légal.


LA QUALITÉ ACOUSTIQUE ET L'AUDIBILITÉ 

Il était autrefois admis, comme l'Avis de la Commission d'étude du bruit du ministère de la Santé publique du 21 juin 1963 en atteste, que le niveau moyen du bruit d'ambiance dans une pièce d'habitation fenêtres fermées ne devait pas dépasser 60 dB(A) de jour et 40 dB(A) de nuit; le bruit d'ambiance correspondant suivant ledit avis à :

"un ensemble de bruits habituels de diverses provenances, à caractères plus ou moins réguliers… comprenant généralement des bruits venant de l'extérieur (surtout dus à la circulation de véhicules variés) et des bruits intérieurs tels que les bruits de pas, de fonctionnement normal des appareils d'équipement".

Il est vrai que dans les années 1960 l'isolement des pièces d'habitation vis-à-vis de l'espace extérieur n'était guère supérieur à 20/22 dB(A), essentiellement par suite du manque de calfeutrement des fenêtres dont les feuillures se trouvaient plus ou moins munies de garnitures d'étanchéité.

De la sorte la circulaire n° 63-66 du 17 décembre 1963 "pour l'application du règlement de construction" (décret du 22 octobre 1955) précisait s'agissant en particulier des appareils d'équipement des immeubles que:

"Des bruits dont le niveau sonore n'excède pas 30 dB(A) dans une chambre à coucher et 35 dB(A) dans une salle de séjour sont en général acceptés par les occupants".

Il était ainsi considéré dans les années soixante que des bruits intérieurs dont le niveau restait inférieur ou du même ordre que celui des bruits d'ambiance habituels et plus ou moins réguliers pouvaient se trouver tolérés (à moins de présenter un caractère "perturbateur" au sens de la deuxième partie de l'Avis du 21 juin 1963).

Le motif de l'acceptation se trouvait alors expliqué par l'absence ou la faible émergence des bruits considérés par rapport au bruit d'ambiance contribuant ainsi à leur faible audibilité, si ce n'est à leur relativisation.

Précisément, car la question se pose depuis toujours pour les locaux orientés sur cour et donc protégés des bruits de trafic, le fait que le niveau des bruits intérieurs soit de l'ordre de ceux provenant des bruits extérieurs habituels et réguliers du voisinage sont de nature par comparaison à les rendre acceptables, ceci sans qu'ils ne soient nécessairement concomitants.

On rappelle que l'audibilité d'un bruit particulier se trouve pour l'essentiel liée à l'élévation de son niveau par rapport à celui du bruit ambiant; ce qui permet de dire que l'audibilité d'un bruit résulte essentiellement de l'effet d'émergence.

L'image habituellement donnée pour expliquer le mécanisme de l'audibilité est celui du paysage marin où les rochers sont toujours de même niveau, mais naturellement d'autant plus apparents que le niveau de la mer est bas; autrement dit les bruits particuliers sont d'autant mieux ressentis que le bruit de fond ambiant est faible.

C'est ainsi l'ambiguïté essentielle du règlement de construction visant à conférer une qualité acoustique propre à l'usage au moyen de critères absolus, tandis que la qualité de la protection acoustique dépend essentiellement de la notion d'émergence par nature relative.

Par la suite d'autres critères du bruit d'ambiance sont intervenus, notamment à travers la circulaire n° 3055 du 21 juin 1976 relative aux installations classées, proposant que les bruits provenant desdites installations n'excèdent pas les niveaux moyens de 35 dB(A) de jour et de 30 dB(A) de nuit à l'intérieur des habitations riveraines.

À cette même période l'arrêté du 14 juin 1969 mis à jour le 22 décembre 1975 fixait ainsi la limite du niveau de bruit des équipements pour la construction des immeubles neufs :

"Le niveau de pression acoustique du bruit engendré dans les pièces principales d'un logement par un équipement quelconque du bâtiment ne doit pas dépasser 35 dB(A) en général et 30 dB(A) s'il s'agit d'équipements collectifs tels qu'ascenseurs, chaufferies ou sous-stations de chauffage, transformateurs, surpresseurs d'eau, vide-ordures et installations de ventilation mécanique contrôlée, bouches d'extraction comprises."

Il semble ainsi que jusque dans les années 1980 l'exigence réglementaire de construction se trouvait à peu près cohérente avec les valeurs de bruit d'ambiance rencontrées occasionnellement ou le cas échéant plus durablement dans les habitations.

La première réglementation thermique date de 1974 (RT 1974) avec application en 1975,  la deuxième de 1988 (RT 1988), la troisième de 2000 (RT 2000), à son tour remplacée le 1er septembre 2006 par la RT 2005. Ces différentes évolutions ont contribué au fur et à mesure du temps à l'étanchéisation des façades et en particulier au calfeutrement des fenêtres; avec pour conséquence une amélioration significative de l'isolement acoustique des habitations vis-à-vis de l'espace extérieur et par la suite un abaissement important du bruit de fond dans les appartements.

Un tel abaissement a conduit le ministère de la Santé en 2006 à réduire de 30 dB(A) à 25 dB(A) le seuil fixé par le Code de la santé publique à partir duquel l'émergence à l'égard de bruits d'activités du voisinage est susceptible d'être réglementairement appréhendée dans une pièce d'habitation.

Pour autant le règlement de construction, qui n'évolue donc pas comme la réglementation sur le bruit de voisinage, fixe toujours depuis la circulaire n° 63-66 du 17 décembre 1963 à la valeur de 30 dB(A) le niveau limite du bruit émis dans une chambre par un équipement du bâtiment, voire en a même assoupli l'exigence à la fois en substituant la constante fast du sonomètre par la constante slow ainsi qu'en introduisant une tolérance de 3 dB(A) sur les résultats, soit aujourd'hui un niveau possible de 33 dB(A).

Tandis que l'audibilité admise réglementairement pour les constructions nouvelles restait faible ou nulle dans les années 1960, il convient de retenir compte-tenu d'un bruit de fond couramment réduit aujourd'hui à 20 dB(A), voire à des niveaux inférieurs au point d'être non mesurables, que le législateur admet aujourd'hui que le bruit d'un équipement d'un immeuble puisse occasionner une émergence de + 13 dB(A), si ce n'est davantage dans une habitation; on remarque qu'une telle exposition sonore ne manque pas de se révéler repréhensible dans la cas du bruit d'un même équipement, mais provenant d'une activité voisine au titre de l'application des dispositions de l'article R.1336-6 du Code de la santé publique.

Il convient de retenir que ce constat de protection insuffisante concernant le bruit des équipements s'applique également aux bruits aériens et aux bruits de chocs; une étude conjointe effectuée en mars 1980 pour le ministère de l'Environnement et du Cadre de vie par les sociétés SOCOTEC et CEBTP démontrant déjà à l'époque que pour satisfaire au moins 10 % de la population par rapport aux bruits de choc "il convenait de ne pas dépasser la valeur (hors tolérance) de 62 dB(A)", soit un niveau standardisé maximal de L'nTW = 55 dB, tandis que l'exigence en vigueur aujourd'hui admet comme résultat la valeur maximale de L'nTW = 61dB; de surcroît comme indiqué précédemment dans des conditions de bruit de fond beaucoup plus faibles et donc favorisant l'audibilité des bruits de pas des voisins.

Il est ainsi permis de retenir que la valorisation des exigences réglementaires de 5 dB pour les bruits de choc et de 3 dB pour les bruits aériens intervenue en l'espace de cinquante ans est loin de compenser l'augmentation de l'audibilité des bruits correspondants par suite de l'abaissement d'au moins 10 dB du bruit de fond durant cette période, avec pour conséquence une dégradation de la protection acoustique des personnes avec le temps.


LES CRITERES REGLEMENTAIRES ET NORMATIFS

Il est permis de considérer que la réglementation acoustique a pour objet de protéger la personne humaine à travers ses façons d'entendre et de vivre au quotidien.

Pour autant, il doit être admis que pour faciliter les modalités du contrôle les critères réglementaires et normatifs soient nécessairement réducteurs en commettant différentes impasses sur la sensibilité auditive ainsi que sur les modes de vie.

Concernant la sensibilité auditive, il convient d'observer en particulier que la réglementation omet les bruits de basse fréquence pour autant de nette perception, tels ceux résultants du bruit de flexion des planchers sous l'effet de la marche des personnes ou produits par les équipements vibrants. Par ailleurs la constante de temps adoptée pour l'appréciation du niveau sonore ne prend pas en compte les bruits de très courte durée tels que le pouvoir séparateur temporel courant de l'oreille permet pourtant de distinguer.

S'agissant des bruits non pris en compte par la réglementation, ces derniers concernent par exemple les chocs horizontaux produits par l'adossement des équipements sanitaires ou de cuisine, le bruit réel de pas (qui ne doit pas être confondu avec le bruit de choc produit par la machine normalisée), le roulement des voitures dans la rampe de parking (contact pneu/chaussée) ou sur les tampons ou grilles de caniveau mal calés, les vibrations, chocs et sifflements occasionnés par le vent sur les tôles de couverture ou d'habillage de façade, les claquements de dilatation, l'impact de la pluie sur les chassis de toit (ou les panneaux de toiture), l'égouttage sur les couvertines ou bavettes, les claquements de dilatation des acrotères ou panneaux de couverture...

Concernant le mode de vie, différents exemples attestent d'une façon particulière d'habiter de la part du législateur. En effet ce dernier vit chez lui toutes portes fermées, laisse ouvert le volet-roulant de sa chambre la nuit, évite d'installer la tête de son lit contre les murs, entend plutôt les bruits de voix qui viennent du dessous, n'utilise les W.C. que pour tirer de l'eau claire, renonce à ouvrir sa fenêtre en cas d'exposition sonore à un équipement extérieur de la construction, ne génère des chocs qu'au milieu des pièces, vide sa baignoire en même temps qu'il la remplit, réserve la miction masculine à la position assise, n'entend pas les bruits de l'escalier lorsqu'il y a un ascenseur… tout ceci contribuant à des conditions de perception ou de production de bruit ne correspondant évidemment pas à la vie courante dans un immeuble.

Il est encore noté que la mesure de la durée de réverbération ne rend pas compte de la diffusion du champ sonore, conduisant à ce que la correction apportée aux locaux vides optimise les résultats par rapport à ceux qui sont habités.

Il est intéressant de remarquer que le dispositif réglementaire se trouve de surcroît fluctuant avec le temps, comme par exemple la limitation de la réverbération dans les circulations communes des immeubles d'habitation recommandée au titre de l'application du décret du 22 octobre 1955, abandonnée ensuite avec l'arrêté du 14 juin 1969, puis réapparue avec l'arrêté du 28 octobre 1994, attestant ainsi d'une autre relativité du règlement de construction.

On remarquera encore que les conditions de vérification retenues dans le cadre des contrôle de conformité à la réglementation de la construction (Guide de la D.G.A.L.N.) sont distinctes de celles fixées réglementairement, puisque les arrêtés du 30 juin 1999 font référence à la norme française NFS 31-057, laquelle doit donc toujours se trouver appliquée en dépit de son annulation par l'A.F.N.O.R. le 9 mai 2008.

Cette ambiguïté qui n'est pas la moindre peut ainsi conduire, au motif de la différence d'étendue de la gamme de mesure ou de positionnement du sonomètre ou encore de la prise en compte d'équipements distincts, à ce qu'un contrôle de conformité réalisé par l'administration puisse retenir un résultat non concordant avec celui obtenu en application du dispositif réglementaire en vigueur.


L'APPLICATION DU C.S.P. À UNE CONSTRUCTION

Il est observé que le découpage volumétrique a pour effet d'introduire dans un même ouvrage des relations de voisinage imposant des règles de construction ne relevant plus seulement du C.C.H.

En effet la création de propriétés distinctes dans un même ouvrage faisant l'objet d'une demande de permis de construire commune conduit à rendre également applicables les dispositions du C.S.P.

L'exemple type de la difficulté introduite par le découpage volumétrique est celui de l'ascenseur, équipement constitué d'organes techniques prenant appui sur une gaine en béton armé participant usuellement au gros-œuvre de la construction (d'où la confusion entre gaine et trémie) et donc réalisée avant l'aménagement intérieur des volumes.

Une telle gaine d'ascenseur devant effectivement pouvoir supporter la fixation mécanique du treuil et des guides ainsi que reprendre les charges correspondantes, on comprend aisément que de tels organes ne puissent être désolidarisés de leur support et qu'en conséquence ladite gaine soit à l'origine de bruits plus ou moins importants suivant l'excitation vibratoire et les chocs inhérents au fonctionnement de ces organes mécaniques.

Ainsi, le bruit de la gaine d'un ascenseur desservant le volume d'une copropriété de logements se trouve soumis à la double exigence de devoir d'une part respecter les règles de construction à l'égard des pièces principales desdits logements et d'autre part les règles de voisinage à l'égard du volume voisin, susceptible d'accueillir par exemple des bureaux ou une résidence d'étudiants ou de personnes âgées.

De la sorte le bruit émis par cette même gaine d'ascenseur doit présenter tantôt un niveau maximal de bruit de LnAT = 33 dB, tantôt une émergence maximale de + 3 ou + 5 dB(A) pondérée en fonction de la durée cumulée d'apparition, tantôt une émergence maximale par bandes de fréquence de + 5 ou + 7 dB, tantôt ne se trouver ni durable, ni répétitif, ni intense dès lors qu'il résulte d'une activité non pas professionnelle mais d'habitation.

De même la gaine du monte-charges d'un volume commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble ne doit pas engendrer une émergence par bandes de fréquence supérieure à + 5 ou + 7 dB dans les pièces principales des appartements du volume de logements situé au dessus.

Mais en réalité cette contrainte supplémentaire aux règles de construction n'existe-t 'elle pas déjà dans le cadre de la réalisation d'un immeuble en copropriété de logements, en considérant que le bruit de l'ascenseur desservant un lot (ou même collectif) ne doit pas atteindre à la tranquillité d'un autre copropriétaire au sens de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 ?


EN GUISE DE CONCLUSION

Ces différentes ambiguïtés du règlement de construction des immeubles d'habitation rendent compréhensible le fait qu'un tribunal puisse se prononcer sur la responsabilité décennale des constructeurs en référence à la jurisprudence de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation selon laquelle "les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même lorsque les exigences minimales légales ou réglementaires ont été respectées" (Cass.Ass.plén, 27 oct. 2006, n° 05-19408).

En observant que les exigences réglementaires en matière d'isolation phonique ne couvrent pas l'ensemble des critères susceptibles de renseigner l'aptitude d'une habitation à répondre à son emploi et en particulier à garantir la tranquillité des personnes, il apparaît difficile de soutenir que le juge puisse violer le principe de la séparation des pouvoirs dès lors que la décision d'impropriété repose sur des motifs échappant aux dispositions fixées par le législateur et vient en quelque sorte combler une lacune intra legem.

Autrement dit, le champ législatif n'épuisant pas la question de la conformité à l'usage d'un logement et ne pouvant donc en constituer l'unique référence, la question de l'appréciation distincte entre la conformité réglementaire et l'atteinte à la destination s'impose d'elle-même et l'abrogation de l'article L.111-13 du C.C.H. (qui reprenait l'article 1792 du C.C.) par l'ordonnance du 29 janvier 2020 vient confirmer cet aspect.

D'aucuns s'étonnant d'une trop grande liberté d'appréciation donnée au juge ou encore de décisions susceptibles de reposer sur l'humeur de ce dernier, il convient de remarquer à l'examen de l'arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 10 octobre 2012 (n° 10-28309 et 10-28310, bull. civ. III n° 140) que "l'impropriété doit s'apprécier par rapport à la destination contractuelle ou, en d'autres termes, par référence aux spécifications contractuelles".

La destination étant ainsi susceptible d'être contractualisée, le risque évoqué de l'humeur du juge apparaît donc pouvoir être prévenu au moyen d'une contractualisation des performances acoustiques ainsi que des critères d'appréciation correspondants dans le cadre de la vente de logements, ce à quoi le dispositif réglementaire n'incite pas à travers la fixation d'un résultat à atteindre.

Il ne peut manquer d'être rappelé en guise de conclusion la grande pertinence de la circulaire n° 2005-61 UHC/QC 2 du 28 juin 2004 relative à l’application des règles de construction qui rappelait à juste titre que le seuil réglementaire est bien relatif au degré minimal de protection de la santé et que la "qualité de la construction" suppose la maîtrise de pouvoir se projeter au-delà des règles :

 "la qualité de la construction suppose notamment la maîtrise :
  - des règles de construction qui définissent les caractéristiques minimales que doit respecter toute construction au regard du niveau de développement économique et social de la nation; leur non-respect pénalise le consommateur, fausse la concurrence et peut générer des effets néfastes pour la santé;
 - de la conception et la réalisation de prestations qui, par voie contractuelle, vont au-delà du simple respect des règles."

Contrairement au risque sociétal induit d'une contractualisation excessive, la recommandation de la D.G.U.H.C. expose ainsi clairement que le contrat n'a pas avoir pour effet de dépouiller la loi mais d'aller "au-delà", en distinguant ainsi sans l'altérer le substantiel du négocié.

À défaut d'étendre les critères réglementaires et normatifs au motif de faciliter le contrôle des constructions ou encore pour éviter que le juge ne se trouve saisi à l'excès comme recours intra legem, il resterait, afin d'inciter les locateurs d'ouvrage à une amélioration de la qualité acoustique des constructions ainsi que pour parfaire l'objectif de "confiance" instauré par la loi éponyme, à rendre obligatoire la contractualisation des critères acoustiques de qualité ainsi des performances correspondantes dans toute opération de construction de logements.