lundi 21 novembre 2022

LE VOISINAGE D'ACTIVITÉS SONORES AMPLIFIÉES



Les activités concernées par la réglementation
sur le voisinage des sons amplifiés

Le décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 vise en particulier à préserver la tranquillité du voisinage devant les bruits engendrés par les activités en lieux clos ou ouverts, impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux excédant un niveau énergétiquement moyen supérieur à la règle d’égale énergie fondée sur la valeur de Leq = 80 dB(A) sur une durée de 8 heures (soit par exemple une valeur de Leq = 95 dB(A) sur une durée de 15 minutes, de Leq = 89 dB(A) sur 60 minutes, de Leq = 83 dB(A) sur 4 heures …).

On remarque que les différentes précisions sur le champ d'application du présent décret qui se trouvaient utilement apportées par la circulaire interministérielle du 23 décembre 2011 pour l'application de l'arrêté du 15 décembre 1998, comme par exemple l'explicitation du caractère " habituel " de l'activité concernée, se trouvent désormais révolues, puisque ledit arrêté se trouve abrogé, et en l'état non prévues pour être substituées par une nouvelle circulaire.

Les exigences du décret du 7 août 2017 se trouvent réparties sans justification apparente par ledit décret entre le Code de la santé publique et le Code de l’Environnement,  puisqu’il est question non pas de la qualité intrinsèque de l’environnement mais bien de l’affect des personnes, afin d’éviter de porter atteinte « à la tranquillité ou à la santé du voisinage » ; soit le domaine propre du Code de la santé.

Il est noté à cet égard que le Code de l’environnement désigne désormais le bruit sous la forme abstraite de pollution, comme s’il s’agissait d’un agent extérieur menant une existence propre, alors qu’il est bien question d’une nuisance au sens de l’interaction avec les personnes ; observons à cet égard que la nocivité d’un bruit reste relative lorsqu’aucune oreille n’est susceptible de le percevoir.

Il est ainsi improbable de réserver la protection des habitants riverains aux dispositions du Code de l’environnement lorsque les bruits sont émis depuis des lieux clos et à celles du Code de la santé publique lorsque les bruits proviennent de lieux ouverts, et sans doute sera-t-il difficile d’expliquer que le critère de tranquillité des personnes puisse varier suivant la nature de ces lieux, sachant l’absence de corrélation manifeste du niveau sonore avec la temporalité de l’exposition ou la fréquence de l’activité.

On rappelle que la circulaire interministérielle du 23 décembre 2011 mentionnait que les manifestations en plein air n'étaient pas concernées par la réglementation en dépit de ce que " Les risques pour la santé soient les mêmes ".


Les critères d’infraction

Critères d’infraction visés par les articles R.1336-6 et suivants du Code de la santé publique

- l’émergence de niveau global pondéré est fixée à la valeur maximale de 5 dB(A) le jour et 3 dB(A) la nuit, avec une pondération suivant la durée cumulée d’apparition (on suppose d’audibilité) du bruit, à l’extérieur des pièces principales d’un logement par rapport à une activité de son amplifié depuis des lieux ouverts ou clos.

- l’émergence de niveau par bandes de fréquence est fixée aux valeurs maximales de 7 dB (125 et 250 Hz) et 5 dB (500 à 4K Hz), sans pondération de durée, à l’intérieur des pièces principales d’un logement par rapport à une activité de son amplifié depuis des lieux ouverts.

Critères d’infraction visés par l'article R.571-26 du Code de l’environnement

- l’émergence de niveau global pondéré est fixée à la valeur maximale de 3 dB(A) (hors pondération de durée) et l’émergence de niveau par bandes de fréquence à la valeur de 3 dB (125 à 4K Hz), à l’intérieur des locaux à usage d’habitation ou destinés à un usage impliquant la présence prolongée de personnes par rapport à une activité de son amplifié depuis des lieux clos. 


Les modalités correspondantes de contrôle

Le décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 annonce à l’article 3 qu’un arrêté d’application se trouve prévu aux articles R.1336-1 du Code de la santé publique et R.571-26 du Code de l’environnement.

Pour autant, si l’article R.571-26 du Code de l’environnement prévoit bien un arrêté d’application pour ce qui concerne le bruit émis dans les habitations par les activités sonores amplifiées des lieux clos,  il n’en va pas de même de l’article R.1336-1 du Code de la santé publique qui ne prévoit d’arrêté d’application que pour ce qui concerne les dispositions mentionnées aux 1° à 6°, à savoir les dispositions relatives à la protection du public de l’activité et non du voisinage.

On rappelle à cet égard que les précédentes mises à jour du Code de la santé publique établies par le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 n’avaient pas manqué de faire l’objet d’un arrêté d’application en date du 5 décembre 2006, prescrivant les modalités de mesurage des bruits de voisinage pour l’application des articles R.1336-6 et suivants du Code de la santé publique au moyen de la norme française NF S 31-010 intitulée « Caractérisation et mesurage des bruits de l’environnement ».

Le décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 modifiant les dispositions du décret n° 2006-1099 du 31 août 2006, notamment par l’extension de l’application réglementaire aux activités précédemment visées par les autorités compétentes, il doit bien être retenu que les dispositions de l’arrêté d’application du 5 décembre 2006 n’ont aucune légitimité à se voir extrapolées aux nouvelles dispositions du Code de la santé publique.

Pour connaître le mode opératoire de contrôle des exigences introduites par le décret n° 2017-1244 du 7 août 2017, tant dans le Code de la santé publique que dans le Code de l’environnement, il convient alors de se référer à l’arrêté d’application du dudit décret, dont le projet diffusé en date du 27 juin 2022 devrait correspondre à la version définitive si l’on examine les réponses apportées par l’administration aux observations recueillies dans le cadre de la consultation préalable du public (cf. http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-d-arrete-relatif-a-la-prevention-des-a2668.html : 2022 10 24 synthèse obs public arrete sons amplifiés validee).

Le projet d’arrêté (1) est annoncé comme portant sur l’application des articles R.1336-1 à R.133616 du Code de la santé publique ; autrement dit, à la fois sur la protection de l’audition du public exposé à des sons amplifiés à des niveaux sonores élevés pour les articles R.1336-1 à R.1336-3, ainsi que sur la prévention de la santé des riverains pour les articles R.1336-4 à R.1336-11.
 
Pour autant, d’une manière restrictive par rapport à l’objet annoncé, l’ensemble des articles 1 à 8 dudit projet d’arrêté portent essentiellement sur l’application des articles R.1336-1 à R.1336-3 relatifs à la prévention des risques liés aux sons amplifiés vis-à-vis du public.
 
Il est proposé en conséquence de retenir que le projet, tel qu’il se trouve présenté, fait abstraction de directives d’application propres aux articles R.1336-4 à R.1336-11 du Code de la santé publique ou R.571-26 du Code de l’environnement, relatifs cette fois à la prévention des bruits de voisinage.
 
De la sorte aucun texte relatif à la prévention des risques liés aux bruits de voisinage ne se trouve plus aujourd’hui applicable afin de fixer le mode opératoire de contrôle et de renseigner les différentes interprétations nécessaires, notamment pour le calcul de l’émergence.

Pour ce motif l’administration retient bien dans le document de synthèse établi le 24/10/2022 la « Demande de précision de la méthodologie de mesures pour le contrôle des seuils réglementaire dans les lieux clos et en extérieur » en apportant pour réponse que « Les professionnels de la sonorisation des spectacles vivants se sont engagés à élaborer des propositions à soumettre au Conseil National du Bruit (CNB) sur ce sujet. Lorsqu'elles seront finalisées, celles-ci pourront être ajoutées, après discussion en commission technique du CNB, au guide du CidB. »

De la sorte, il est bien demandé aux professionnels de la sonorisation des spectacles vivants de fixer eux-mêmes les moyens de sanctionner leurs activités et il apparaît par ailleurs prévu de ne pas officialiser lesdits moyens lorsqu’ils seront établis.


L’issue judiciaire

Sans doute convient-il de rappeler que la dissuasivité d’un règlement et ce qui fonde même ce dernier, résident dans la menace d’une sanction ; dans le cas contraire il s’agit d’une norme.

Or pour pouvoir appliquer un sanction faut-il encore que l’infraction se trouve validée ; ce qui suppose l’existence d’un moyen de contrôle, qui en l’espèce reste donc à établir et n’est pas prévu pour faire l’objet d’une disposition réglementaire.

Si l’on considère que les modes de résolution amiables se révèlent d’autant plus efficaces qu’il existe une menace effective de sanction et qu’un arrêt du Conseil d’État du 22 septembre 2022 a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile qui instituait la médiation préalable obligatoire, sans doute est-il alors permis de retenir que la présente situation conduit inexorablement à la judiciarisation des différends de bruit.

En tout cas le site officiel de l’administration française Service-Public.fr en retient le principe par la recommandation suivante :

« Les bruits d’activité (bruit de chantier, à l’activité d’un karaoké ou d’un bar) peuvent être sanctionnés dès lors qu’ils troublent de manière anormale le voisinage. Pour cela, il est nécessaire de faire une démarche amiable. Si les troubles persistent malgré cette démarche, un recours devant le juge est envisageable. »

Un tel recours se traduisant, à défaut d’infraction, par la saisine du tribunal civil afin d’obtenir la réparation d’un dommage, on remarque pour ce qui concerne les litiges de bruit que l’action se trouve le plus souvent introduite au moyen d’une assignation en référé afin d’obtenir la désignation d’un expert sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile :

« S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

L’action se trouvant habituellement initiée par la victime afin d’établir la preuve des dommages subis, on remarque a contrario l’usage des maîtres d’ouvrage d’assigner le voisinage d’un chantier en référé préventif afin d’éviter d’avoir à réparer des désordres préexistants et de prévenir les différents aléas des travaux, notamment de bruit, susceptibles d’affecter les riverains.

Il resterait alors envisageable, à l’instar d’un référé préventif bruit de chantier, que l’organisateur d’un concert ou d’un festival puisse, à titre conservatoire, assigner préalablement le voisinage de l’activité projetée aux fins de faire établir judiciairement la preuve des différentes précautions adoptées pour limiter les inconvénients de bruit.

L’action se trouvant fondée sur la théorie prétorienne du trouble anormal de voisinage, strictement autonome du dispositif réglementaire puisque reposant sur le régime de la responsabilité sans faute, il appartiendrait alors à l’expert désigné d’instruire le risque futur d’émergence sonore au voisinage (le cas échéant par des simulations), l’effectivité des précautions adoptées en rapport aux inhérences contextuelles, ainsi que les moyens de surveillance et de communication entre les parties.

L’instruction technique judiciaire se déroulant contradictoirement, il donné d’observer à l’instar des bruits de chantiers de travaux, qu’un tel processus offre l’avantage de donner place à un débat des parties sous le contrôle et l’autorité d’un expert, dont il est toujours permis de penser que l’avis pourrait être suivi par un juge …

Il semble que le droit à la tranquillité des habitants et l’impératif culturel de la vie sociale, puissent ainsi trouver un accommodement favorable s’il peut être justifié d’un échange équitable et de la prise en compte effective des intérêts et motivations de chacun ; ce que le référé préventif, à défaut d’une convention de procédure participative, permet certainement d’assurer.

(1) L'arrêté en date du 17 avril 2023 a été publié le 26 avril 2023 sans modification du projet



samedi 1 octobre 2022

LE CONSTAT D'INFRACTION À L'OREILLE


Chacun sait bien que le trouble de bruit de voisinage résulte autant de l’aversion pour la source que du niveau sonore ; dans le cas contraire les échelles de niveau en décibels renseigneraient l’ampleur de la gêne.

Il n’est donc pas besoin de rappeler que la pompe à chaleur du voisin génère, en dépit de son éloignement, forcément plus de bruit que celui de sa propre machine.

Observons ainsi qu’en matière de bruit de voisinage, comme le rappelle le professeur Leroy, « il n’y a pas de bruit en soi mais que du bruit pour soi ».

Si la mesure acoustique est effectivement susceptible de renseigner le niveau sonore, il n’en est donc rien des facteurs d’aversion, qui peuvent même parfois contribuer à l’essentiel du trouble.

Pour autant ce qui importe dans le cadre de la verbalisation du bruit, ce n’est pas le trouble de la personne mais le trouble à la personne ; autrement dit un trouble sociétal, objectivable, relevant du fait et non de la psychologie.

On rappelle que le constat d’infraction pour trouble de voisinage a été débarrassé de la mesure par le décret du 18 avril 1995, mais uniquement pour les bruits domestiques et de particuliers ; bruits de particuliers autrement interprétés par la Cour de cassation comme des bruits de comportement, conduisant par exemple à la verbalisation du bruit de la clientèle d’un restaurant sans mesure acoustique, c’est-à-dire à  l’oreille, en dépit de la nature professionnelle de l'activité à l'origine de la nuisance (Arrêt du 08/03/2016 - 3ème Ch.Civ. - n° pourvoi : 15-83503 - Arrêt du 14/01/2020 - Ch.Crim. - n° pourvoi : 19-82.085).

La verbalisation à l’oreille ne constitue pas en fait une pratique nouvelle puisque le bruit se trouve réglementé au titre des critères d’incommodité des établissements industriels depuis le décret du 7 mai 1878; tandis que les premiers sonomètres portables ne sont apparus que vers 1960 et que la mesure acoustique infractionnelle n’a été introduite que par la circulaire n° 3055 du 21 juin 1976.

Les agents de l’administration ont ainsi verbalisé le bruit des installations classées à l’oreille pendant près d’un siècle sans pouvoir justifier l’infraction par un quelconque instrument, c'est-à-dire autrement que par l'intelligence et le bon sens.

Observons à cet égard, comme le prévient la norme NFS 31-010, que le calcul de l’émergence (toujours applicable réglementairement pour le bruit des activités) relève essentiellement de « l’appréciation de l’opérateur », puisque dépendant du choix personnel des intervalles de mesure par ce dernier ; ce qui ne permet donc pas de prétendre à l'objectivité de la verbalisation sonométrique.

Par ailleurs l’idée de « sonomètres d’utilisation simplifiée » initiée par le PNSE 4 ne manque pas de se heurter à l’imprécision à faible niveau sonore des appareils de grande diffusion ou des applications fonctionnant sur smartphone, ainsi qu’à la nécessité de respecter les règles d’homologation et de contrôle réglementaire propres à tout instrument de mesure.

Remarquons enfin que fixer une limite d’émergence en dessous de laquelle le bruit doit se trouver toléré revient en fait à instaurer le droit de nuire ; ambiguïté dûment corrigée par la théorie prétorienne du trouble anormal de voisinage.

Il reste donc à valoriser le constat auditif sur la base d’un référentiel factuel de l’infraction sonore, comme il peut en être par exemple des dispositions d’urbanisme qui fixent des critères d’incongruité visuelle relevant d’indicateurs non pas numériques mais qualitatifs.

Le guide de verbalisation hors mesurage édité par le Conseil National du Bruit esquisse ces critères par une forme de rapprochement du trouble sanctionnable avec le trouble anormal en référence à ladite théorie du trouble anormal de voisinage.
(https://www.bruit.fr/images/stories/pdf/cnb-guide-constat-bruits-voisinage.pdf).

Un tel rapprochement n’est pas insolite dès lors que le site officiel de l’administration française Service-Public.fr commet lui-même l’amalgame. Il devient alors permis de se demander si une telle confusion ne devient pas inéluctable dès lors que l’incongruité sociale ou culturelle d’un bruit l’emporte finalement sur le niveau sonore dans l’appréciation de la répréhensibilité.

On retiendra pour l’essentiel des indicateurs factuels et cumulatifs de l’infraction :

- l’audibilité du bruit incriminé sans effort particulier d’attention
- la temporalité manifeste ou apparente de l’activité ou du fonctionnement
- l’évitabilité et/ou le défaut de précaution dans le comportement, l’installation ou l’utilisation
- la singularité et/ou l’incongruité de la source dans le contexte, les usages ou les coutumes

Sans doute convient-il de considérer que cette procédure de verbalisation à l’oreille présente encore l’avantage de favoriser par ses modalités la communication entre les protagonistes et le cas échéant d’ouvrir ainsi la porte à une démarche participative.

Alors formons et habilitons les agents des collectivités au constat auditif, à l’instar des experts judiciaires qui ont appris à fournir aux juges les indicateurs factuels d’anormalité du bruit de voisinage dépassant la seule considération du niveau sonore.


samedi 11 juin 2022

QUESTIONS SUR LA RÈGLEMENTATION DU BRUIT

 A - NF S 31-057 ET CONTRÔLE CRC

(1) L’arrêté interministériel du 30 juin 1999 fixe que les contrôles CRC sont réalisés suivant les dispositions de la norme NF S 31-057 ;

(2) Le Guide de contrôle rubrique acoustique du ministère chargé de la construction (août 2014) prévient : " en ce qui concerne les arrêtés qui font référence à la norme NF S 31057 ou à la norme NF EN ISO 10052 pour la méthode de contrôle, un texte précisera que le présent guide doit être utilisé " ;

(3) Le texte attendu, qui ne peut être qu’un arrêté interministériel, n’a pas été pris ;

(4) L’annulation de la norme NF S 31-057 par le conseil d’administration de l’AFNOR n’a pas de valeur légale en dépit de la publication officielle (JO du 8 mai 2008) ;

(5) La norme NF S 31-057 est toujours en vente à l’AFNOR et en tout état de cause restera accessible sur le site du CNEJAC afin d’assurer son application dans un cadre judiciaire ;

(6)  Le Guide de contrôle acoustique déroge à la loi en réduisant les conditions des essais (par ex. vidange d’eau claire) par rapport à l'article L.154-1 du CCH qui fixe que la construction des logements doit avoir pour objet de conférer un confort acoustique dans un contexte d'utilisation normale des bâtiments ; La norme NF S 31-057 prévoyant à cet égard que les essais des équipements sont réalisés dans les conditions de fonctionnement correspondant à une utilisation normale ;

(7) L’arrêté du 27 novembre 1972, fixe pour sa part d'utiliser Le Guide de contrôle acoustique, mais son objet ne vise pas le contrôle de la conformité réglementaire, mais l'établissement de l'attestation de prise en compte de la réglementation acoustique.

Pour info :
https://www.thierrymignot.com/2021/08/ambiguites-de-la-reglementation.html


 B - BRUIT DE COMPORTEMENT ET RÈGLEMENTATION

(1) La notion de bruit de comportement est introduite par la circulaire du 27/02/96 du ministère chargé de la santé : « Tout bruit de voisinage lié au comportement d’une personne ou d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité pourra être constaté et sanctionné, sans qu’il soit besoin de procéder à des mesures acoustiques » (art.2.1.);

(2) Le terme de bruit de comportement est cité dans la circulaire afin de distinguer les bruits qui ne sont pas produits par les activités (ou règlementés par ailleurs) ;

(3) L’art R.1336-5 (ex R.1334-31) ne fait pas état de bruit de comportement mais d'une manière générale d’ « aucun bruit particulier … » ;

(4) La Cour de cassation retient le terme de bruit de comportement de la circulaire mais en lui accordant son sens propre (manière de se comporter, conduite, attitude), contribuant ainsi à distinguer non plus les bruits domestiques ou de particuliers par rapport aux bruits d’activités mais les bruits produits par les personnes par rapport aux bruits d’équipements ou de matériels des activités ;

(5) 1er ex. de jurisprudence :
Arrêt du 08/03/2016 (3ème Ch.Civ. – n° pourvoi : 15-83503 – publié)
Restaurant à St-Tropez – bruit des clients et bruit musical
 « Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la prévenue était poursuivie pour un important bruit de musique, des rires et des éclats de voix constituant non pas des bruits d'activités, mais des bruits de comportement relevant de l'article R. 1337-7 du code de la santé publique visé à la prévention, et ne nécessitant pas la réalisation de mesure acoustique, la juridiction de proximité a méconnu les textes susvisés » ;

(6) 2ème ex. de jurisprudence :
Arrêt du 14/01/2020 (Ch.Crim. – n° pourvoi : 19-82.085)
Restaurant à Ramatuelle – bruit musical
 « 12. En l'état de ces énonciations, relevant de son appréciation souveraine, et dès lors que les bruits de comportement relevant des articles R. 1337-7 et R. 1334-31 du code de la santé publique, n'imposent pas une mesure du son, la cour a justifié sa décision.» ;

(7) Remarque supplémentaire :
L’arrêté du 05/12/06 pris en application du décret de 2006 ne se trouve pas extrapolable aux dispositions du décret de 2007 par suite de l’extension du champ d’application règlementaire aux activités règlementées par ailleurs telles que les circuits, (art. R.1334-32 du CSP modifié par art. R.1336-6).
De la sorte aucun texte relatif au bruit de voisinage ne vient imposer aujourd’hui l’emploi de la norme NF S 31-010 pour établir l’émergence.

Pour info :
www.thierrymignot.com/2021/01/la-verbalisation-du-bruit-de-voisinage.html


C - COPROPRIÉTÉ ET VOISINAGE

(1) L'arrêt de la CC (3ème ch. civ.) du 11/05/17 fixe que « le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage s’applique … dans les rapports entre le syndicat des copropriétaires et un copropriétaire » ;

(2) Le critère de référence en matière d’audibilité pour l'appréciation du TAV habituellement retenu dans les décisions est le 2ème avis de la commission d'étude du bruit du ministère de la Santé Publique du 21 juin 1963 (+ 3 dB / + 5 dB en niveaux instantanés - mode slow) ;

(3) Avec un bruit de fond usuel de l’ordre de L90 = 20 dB(A) et un niveau admissible de LnAT = 33 dB, l’arrêté du 30/06/99 qui prescrit les règles acoustiques de construction autorise ainsi pour les bruits d’équipements collectifs des émergences instantanées de l’ordre de e = + 13 dB ;

(4) De la sorte avant la prise de possession des parties communes par le SDC l’émergence autorisée est de e = + 13 dB, tandis qu'après livraison l’émergence admissible n’est plus que de e = + 3 / 5 dB ;

(5) Le SDC engage sa responsabilité en acceptant de prendre possession de parties communes, telles qu’ascenseurs, portes de garages ou chutes collectives, conçues pour ne respecter que la réglementation de la construction et donc de nature à occasionner un TAV en cas de plainte d’un copropriétaire ;

(6) L’action peut cependant être retournée contre le MOV ;

(7) La destination de l’ouvrage en copropriété se trouvant connue (par définition) par le MOV, l'art. 1641 du CC prescrit que " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine …" ;

(8) L'arrêt de la 3ème ch. civ. de la CC du 10/10/12 fixe que " l'impropriété doit s'apprécier par rapport à la destination contractuelle " ;

Pour info :
https://www.thierrymignot.com/2022/04/la-livraison-douvrages-troublant.html














mercredi 20 avril 2022

LA LIVRAISON D'OUVRAGES TROUBLANT ANORMALEMENT PAR LE BRUIT

 Le syndicat des copropriétaires engageant sa responsabilité pour les dommages occasionnés aux copropriétaires par une partie commune de l’immeuble, en particulier pour ce qui concerne les atteintes à la tranquillité, sans doute convient-il de s'interroger sur le risque encouru par ledit syndicat à prendre livraison d'un immeuble n'offrant pas les garanties nécessaires.

Cette question concerne en particulier les caractéristiques sonores des ouvrages neufs dont les critères de qualité acoustique usuellement retenus par les constructeurs ne sont plus suffisants aujourd'hui pour prévenir efficacement les troubles de bruit des occupants, notamment d’immeubles en copropriété.

Cette dichotomie dans le domaine de la construction entre le trouble et le désordre, qui pose la question de l'aptitude à leur emploi de nouveaux ouvrages collectifs d’habitation et peut se manifester par exemple par le bruit excessif de fonctionnement d'un ascenseur ou de vidange d'eaux vannes dans une chute collective, est susceptible de se voir instruite judiciairement :

- en application de l'article 1792 du Code civil sur le fondement de l'impropriété à destination ; engageant alors la responsabilité des locateurs d'ouvrages 
- en référence à l’article 544 du Code civil sur le fondement du trouble anormal de voisinage; la jurisprudence de la Cour de cassation rappelant que la théorie s'applique aux relations entre un copropriétaire et le syndicat des copropriétaires; obligeant alors le syndicat des copropriétaires à prendre en charge la réparation des dommages

Sur la qualité acoustique des ouvrages

Les locateurs d’ouvrages neufs à destination de copropriétés de logements ont pris pour habitude d’adopter le critère d’infraction à la réglementation de la construction comme objectif de confort acoustique.

La rédaction de l’article 2 de l’arrêté du 30 juin 1999 porte en effet à confusion en fixant que "L'isolement acoustique standardisé pondéré…doit être égal ou supérieur aux valeurs indiquées…" ; faisant ainsi du seuil de la sanction non plus l'expression d'un garde-fou, soit la limite à ne pas franchir, mais celle d'un objectif minimal à satisfaire.

Mais au-delà de ce qu'il est ainsi confondu la prévention du danger avec celle de la gêne (Arrêt de la Cour de cassation, Civ. 3ème, du 8 mars 1978 - D.1978.641 rappelant que le seuil du supportable peut être inférieur à celui prévu par les règlements qui fixent un "seuil de danger et non de gêne"), la formulation de l'exigence réglementaire en niveaux absolus contrevient certainement à l'appréciation auditive du confort acoustique, laquelle dépend plutôt de l'émergence des bruits ; c'est-à-dire de la différence de niveau entre les bruits particuliers remarquables et le bruit de fond ambiant.

C'est ainsi que le CSTB expliquait déjà dans l'édition de 1982 du R.E.E.F. - Volume II – Acoustique l'importance du bruit de fond dans l'appréciation de la qualité acoustique d'une construction : 

" Apparemment un niveau de bruit ambiant le plus faible possible est souhaitable. En fait, le bruit ambiant a un effet bénéfique : il permet de masquer les petits événements sonores causés par les personnes ou les équipements, dans les immeubles. Plus le bruit ambiant est faible, meilleure doit être l'insonorisation du bâtiment vis-à-vis des bruits internes. 
En particulier le simple respect des valeurs réglementaires en matière d'isolation interne ne permet pas un confort satisfaisant si l'environnement est totalement silencieux (campagne) ".

De même la norme internationale ISO/TS 19488 : 2021(E), dont l'objet est de catégoriser la qualité acoustique des logements, ne manque pas de conclure après une savante élaboration de classes d'isolements ou de niveaux de bruit exprimés en valeurs absolues, que : "lorsque des sons spécifiques sont audibles, cela dépend non seulement de la construction du bâtiment, mais aussi du bruit de fond dans la pièce".

Ainsi, en fixant à 33 dB(A) l'objectif possible de niveau de bruit d'un équipement collectif dans une pièce d'habitation, la réglementation de la construction admet aujourd'hui avec des bruits de fond qui sont couramment de 20 à 25 dB(A), que le fonctionnement de l'ascenseur et de la porte de garage ou les vidanges de chasse d'eau puissent occasionner des émergences atteignant + 8 à + 13 dB(A) dans une chambre ou un séjour.

On observe que les niveaux limites de 35 dB(A) dans un séjour et de 30 dB(A) dans une chambre fixés par la circulaire n°63-66 du 17 décembre 1963, dite pour l'application du Règlement de la construction, ont bien été élaborés à l'origine en considération de critères d'émergence, mais à une époque où le bruit ambiant dans les appartements était beaucoup plus élevé en raison du manque d'étanchéité des fenêtres et des bruits concomitants ou différés provenant ainsi de l'extérieur ; ce qui permettait alors de relativiser les bruits intérieurs.

Sur le trouble anormal de bruit

L'arrêt de la Cour de cassation (3ème ch.) du 11 mai 2017 (Pourvoi : 16-14339) vient rappeler que «le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage s’applique aux copropriétaires, et plus généralement à tous les occupants d’un immeuble en copropriété, et donc, notamment, dans les rapports entre le syndicat des copropriétaires et un copropriétaire».

Le principe du TAV reposant sur le régime de la responsabilité sans faute, il est rappelé que l'appréciation de l'anormalité ne peut se trouver fondée sur la seule infraction et que les tribunaux prennent habituellement en compte à la fois l'audibilité du bruit incriminé, l’incongruité de la source dans le contexte, l'évitabilité du bruit, le manque de précaution, l’insuffisance des dispositifs de protection, une conception ou une exécution défaillante …

Le critère de référence pour l'appréciation du TAV est couramment le 2ème avis de la commission d'étude du bruit du ministère de la Santé Publique du 21 juin 1963.

Il est rappelé que suivant cet avis :

" a-2- Le trouble, autrement dit la gêne ou la nuisance, est incontestable lorsque l’augmentation d’intensité sonore produit par l’apparition du bruit perturbateur, par rapport à la valeur minimale du bruit ambiant, dépasse les valeurs suivantes :
- de jour (7 heures à 22 heures) : + 5 dB(A)
- de nuit (22 heures à 7 heures) : + 3 dB(A) "

Cet avis se trouve retenu dans de multiples décisions qui ne concernent pas seulement les bruits rencontré dans les copropriétés, comme par exemple :

TJ Paris 24.03.71 (imprimerie) - CA Reims 22.12.72 (usine cartonnage) - TJ Marseille 21.06.73 - CA Aix-en-Provence 17.01.74 - CC 15.04.75 (boucherie) - TJ Saverne 26.10.76 - TJ Paris 29.10.76 (cabaret) - TJ Lyon 24.03.78 (ventilateurs) - TJ Evry 24.04.78 - TJ Nanterre 27.06.78 (imprimerie) - CA Paris 09.05.80 (choc appartement) - TJ Senlis 17.01.84 (dancing) - CA Paris 18.01.84 (chaufferie) - CA Bourges 21.03.84 (supermarché) - CA Versailles 03.03.95 (chaufferie) - CA Paris 24.03.98 (restaurant) - CA Paris 26.03.98 (menuiserie) - TJ Toulouse 28.05.02 (aérodrome) - CA Paris 14.02.07 (extracteur) - CA Paris 08.11.07 (chaufferie) - TJ Nanterre - 24.05.12 (sanitaires) - TJ Paris 02.04.13 (restaurant) - CC 26.03.15 (boulangerie) - CA Paris 08.04.15 (activité domestique) – CC 2 février 2017 (usine) - CC 24 mai 2018 (bruits de pas)…

Sur la livraison d'ouvrages troublant anormalement

Dès lors que le trouble anormal du bruit d'un équipement collectif est susceptible d’être établi à l’encontre du syndicat des copropriétaires à compter d'une émergence de + 3 dB(A) la nuit et de + 5 dB(A) le jour, il convient d'admettre la difficulté pour ce dernier d'accepter la remise de clefs de parties communes susceptibles de contribuer à des émergences réglementaires de bruit atteignant + 8 à + 13 dB(A).

Rappelons que l'article 1641 du Code civil prescrit que "Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus".

Remarquons encore suivant l'arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 10 octobre 2012 (n° 10-28309 et 10-28310, bull. civ. III n° 140) que "l'impropriété doit s'apprécier par rapport à la destination contractuelle ou, en d'autres termes, par référence aux spécifications contractuelles".

Si l'on retient que la destination contractuelle de l'ouvrage est celle d'un immeuble voué au régime de la copropriété, sans doute est-il alors nécessaire d'en considérer la spécificité acoustique correspondante.

Étant observé que la réglementation acoustique de construction des immeubles d'habitation s'applique à tout statut d'occupation et à toute forme de gestion, que ce soit en indivision, en location, en coopération, en division volumétrique ou en copropriété, il est certain que les seuils minimaux fixés par cette dernière restent de portée très générale et ne peuvent donc permettre de valider la conformité d'une affectation particulière de logement.

On rappelle à cet égard que «Les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même en cas de respect des exigences minimales légales ou réglementaires …» (Arrêt de la Cour de cassation du 27 octobre 2006 - ass. plein. 05-19408).

Autrement-dit les seuils limites de qualité fixés par la réglementation de la construction ne peuvent se trouver confondus avec les exigences d'isolement propres aux différentes modalités possibles d'occupation ; étant observé à titre d’exemple qu'un immeuble d'habitation locatif destiné à des occupations multiculturelles doit faire l'objet de dispositions de protection acoustiques plus sévères que celles concernant un immeuble coopératif où les habitants peuvent rechercher une forme de vie collective.

Dans le cas d'immeubles destinés au régime de la copropriété, ces derniers doivent donc répondre suivant le rappel de la Cour de cassation à la spécificité de l'application du principe du TAV aux rapports internes ; ce qui induit alors une forme d'exigence particulière de protection acoustique qui s'exprime cette fois en termes d'émergence de bruit.

L'indication préalable par le maître de l'ouvrage dans la notice descriptive de vente de son intention de respecter la réglementation et la démonstration par ce dernier de la satisfaction de l'objectif au moyen de l’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique restent en conséquence très relatives dans ce cadre.

Alors de quel moyens d'action le syndic dispose-t-il pour protéger le syndicat des copropriétaires, mais aussi sans doute pour se protéger lui-même et d’éviter d'être recherché en responsabilité ?

Faut-il attendre qu'un propriétaire se plaigne pour agir ou le syndic doit-il faire procéder à un audit de prise en compte du trouble anormal avant d'accepter la livraison ?

Et l'insuffisance de qualité acoustique des parties communes livrées par le maître de l'ouvrage constitue-t-elle un vice caché, un vice apparent ou un défaut de conformité ?

L’attention des syndicats de copropriétaires mérite ainsi d’être attirée par leur syndic sur le risque d’accepter les clefs de parties communes dont l’objectif de qualité acoustique reste confondu avec le seuil d’infraction à la réglementation de la construction.


mardi 22 mars 2022

POMPE A CHALEUR ET BRUIT DE VOISINAGE


RESPONSABILITÉS 

1. RESPONSABILITÉ  PENALE

1.1. Réglementations nationales

1.1.1. Code de la Santé Publique

- usage domestique de la P.A.C.
  art. R.1336-5

  Critère d'infraction : intensité ou répétition ou durée du bruit

- usage professionnel, culturel ou sportif de la P.A.C.
  art R.1336-5, R.1336-6 et suivants

  Critères d'infraction :
  Extérieur : e  3/5 dB(A) + correct. durée  
  Intérieur : e  7 dB B.F. et e  5 dB M.F. et H.F.
 
1.1.1. Code Pénal

- tapage nocturne (fonctionnement nocturne de la P.A.C.)
  art. R.623-2

  Critère d'infraction : " bruits nocturnes troublant la tranquillité d'autrui "

1.1.3. Arrêté interministériel du 23 juin 1978 (JO du 21 juillet 1978)
          relatif aux installations fixes destinées au chauffage

- bruit de chaufferie des bâtiments d'habitation, de bureaux ou E.R.P.
  Lp  50 dB(A) à 2.00 m des façades du bâtiment contenant la chaufferie
  ou des bâtiments voisins

1.2. Réglementations territoriales

1.2.1. Arrêtés préfectoraux
          pris sur le modèle de la circulaire du 7 juin 1986

- art. 6 du modèle d’arrêté : 
" Toutes précautions doivent être prises pour limiter le bruit lors de l’installation de nouveaux équipements individuels ou collectifs dans les bâtiments "

Critère d'infraction : défaut de précaution

1.2.2. Arrêtés municipaux
          pris en application des articles L.2212-1/2, L.2213-4 et L.2214-4 du C.G.C.T.

- par ex. art.15 de l'arrêté de la ville d'Issy-Les-Moulineaux du 6 décembre 2004
  ou art.7 de l'arrêté d'Asnières-sur-Seine du 1er décembre 2020 :
" Les occupants des locaux d'habitation…sont tenus de régler toute émission acoustique (par  les appareils ou machines qu'ils utilisent) … de manière à ce qu'ils ne soient pas perceptibles dans les logements et les locaux voisins "

Critère d'infraction (dans le cas particulier des villes citées) : audibilité du bruit de fonctionnement

N.B. Arrêt de la Cour de cassation (Civ. 3è) du 8 mars 1978 (D.1978.641) 
Le seuil du supportable peut être inférieur à celui prévu par les règlements qui fixent un " seuil de danger et non de gêne  "


2. RESPONSABILITÉ CIVILE

2.1. Principe prétorien du "trouble anormal de voisinage"
       Cass. 2ème Civ. 19 novembre 1986
       art. 544, 1240 et 1241 du CC

Critères cumulatifs du dommage :
 a) " modification du bruit ambiant d'une manière sensible "
(Avis de la commission d'étude du bruit du 21 juin 1963 : e > 3/5 dB)
 b) Incongruité dans le contexte (installation non coutumière dans le site), défaut de précaution (implantation de la P.A.C.), évitabilité (choix de modèle in-door ou out-door, mode de condensation …)

2.2. Règlement de copropriété (ou cahier des charges d'A.S.L / A.F.U.L)
       Clauses prise en application de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965

Critère d'infraction : " porter atteinte aux droits des autres copropriétaires "

N.B. Arrêt de la Cour de cassation (3ème ch.) du 11 mai 2017 (Pourvoi : 16-14339) 
« le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage s’applique aux copropriétaires et, plus généralement, à tous les occupants d’un immeuble en copropriété, et, donc, notamment, dans les rapports entre le syndicat des copropriétaires et un copropriétaire »


addenda relatif aux règles de construction
 
Arrêtés interministériels du 30 juin 1999

pris en application des articles du CCH :
- R.111-1-1 : "bâtiments d'habitation nouveaux"
- L.111-11 : "contrats de louage d'ouvrage"

Critères d'infraction (dans une pièce d'habitation de l'ouvrage, fenêtres fermées) :

- PAC individuelle  
Critère d'infraction (à l'intérieur d'une pièce fenêtres et portes fermées) :
LnAT ≤ 35 + 3 dB(A) dans une pièce principale
LnAT  40 + 3 dB(A) dans une pièce principale ouverte sur la cuisine
LnAT  50 + 3 dB(A) dans une cuisine

- PAC collective 
Critère d'infraction (à l'intérieur d'une pièce fenêtres et portes fermées) :
LnAT  30 + 3 dB(A) dans une pièce principale
LnAT ≤ 35 + 3 dB(A) dans une cuisine

nb1 Arrêt de la Cour de cassation du 27 octobre 2006 (ass. plein. 05-19408) 
« Les désordres d'isolation phonique pouvant relever de la garantie décennale même en cas de respect des exigences minimales légales ou réglementaires …» (impropriété à destination)
nb2 Le trouble anormal de voisinage est constitutif de l'impropriété à destination https://www.thierrymignot.com/2023/02/le-trouble-anormal-de-voisinage-motif.html












mardi 11 janvier 2022

L'EXPERT JUDICIAIRE ET LA CONVENTION DE PROCEDURE PARTICIPATIVE

La Convention de procédure participative codifiée par les articles 2062 à 2068 du Code civil et 1542 à 1567 du Code de procédure civile est un pacte par lequel les parties à un différend s'engagent à " œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ".

Une telle procédure concerne particulièrement les litiges de bruit de voisinage en raison de la personnalisation récurrente du conflit en cette matière, conduisant parfois à s'interroger si le trouble est bien occasionné par le bruit ou plutôt le bruit la résultante d'un trouble de plus large ampleur ; le bruit étant certes porteur de sons mais encore de significations.

On remarque l'usage dans le cadre de cette convention de solliciter l'avis d'un expert, même en présence du caractère manifestement relationnel du différend, tant pour vérifier la réalité physique du bruit incriminé qu'en escomptant déplacer le centre du conflit sur une question technique avec pour solution un remède miracle, bien entendu à moindre frais ; du type des solutions vantées dans les publicités comme tel doublage intitulé "silence" ou telle peinture qualifiée d' "insonorisante" par le fabricant.

Cet avis qui prend la forme d'une expertise amiable présentait jusqu'ici, en cas d'échec du rapprochement, une certaine fragilité judiciaire en dépit de la jurisprudence récente dont en particulier l’arrêt du 5 mars 2020 de la Cour de cassation (pourvoi n° 19-13.509) considérant qu'un juge peut fonder sa décision sur des rapports d'expertise amiable établis de façon non contradictoire à partir du moment où « ces rapports avaient été soumis à la libre discussion des parties ».

Ainsi l'article 4 du décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021, en vigueur depuis le 1er novembre 2021, vient renforcer considérablement le pouvoir transactionnel de la Convention de procédure participative en fixant à l'article 1554 du Code de procédure civile que désormais le rapport établi dans le cadre de la convention « a valeur de rapport d'expertise judiciaire ».

On remarque que cette modification de l'article 1554 du C.P.C. a pour effet d'imposer à l'expert une tout autre exigence, puisque son autorité ne lui est désormais plus conférée par le juge mais par les parties elles-mêmes, soit une autorité sans recours.

Il est permis de proposer que l'expertise conventionnelle apporte différents avantages par rapport à l'expertise ordonnée par le juge, comme par exemple : 

- Le choix concerté de l'expert par les parties, éclairé par la réputation du technicien et l'entretien préalable que ces dernières peuvent avoir avec ce dernier, offre la garantie de la meilleure adéquation du domaine de compétence expertale avec l'objet du litige et sans doute aussi celle d'une forme de compatibilité entre la personnalité de l'expert et le contexte du différend; on rappelle à nouveau que les conflits de bruit de voisinage excèdent souvent le strict domaine de l'acoustique, exigeant alors de la part de l'expert bien d'autres qualités que celles afférentes au seul technicien.

- La possibilité donnée à l'expert de participer à la définition de la mission permet de restreindre l'étendue des investigations et du développement de l'avis au strict nécessaire. Par ailleurs, en échappant au cadre judiciaire, la mission devient susceptible d'adaptation au cours de l'avancée des constatations ainsi qu'en fonction de l'évolution du débat entre les parties 

- Enfin, au-delà de la seule administration de la preuve des faits fixée par l'article 145 du C.P.C. et en dépit de ce que la prohibition de l'article 240 ne vise strictement que le juge, la désignation conventionnelle offre à l'expert la possibilité de s’immiscer autant que possible dans le débat des parties. On rappelle à cet effet que seul un expert peut, suivant le contexte constructif de l'affaire, démontrer l’insuffisance de dispositions techniques pour régler un contentieux ; autrement dit pour mettre en évidence le nécessité d'envisager également des modifications d'attitude et de comportement, tant de la part du demandeur que du défendeur ; ces modifications restant le plus souvent indispensables pour la résolution effective et durable d'un différend de bruit de voisinage.

On remarque que l'expert est sans doute le plus à même de convaincre des voisins querelleurs que ces derniers n’ont en fonction des circonstances d’autre choix que de devoir mutuellement s'entendre, ceci dans les deux sens du terme ; une telle incitation contribuant à l’occasion à des rapprochements d'autant plus inattendus qu'immédiats.

Étant observé que l'expert judiciaire ne dispose pas de l’apanage de la compétence technique ni de la maîtrise du principe du contradictoire, il convient tout de même de s'interroger, en cas de mise en état ou d'échec de la procédure participative, sur l’impact que peut avoir l’inscription du technicien sur une liste juridictionnelle dans l'appréciation du rapport.

Il est donc possible qu’en dépit des ouvertures offertes par la modification de l'article 1554 du C.P.C. l'expert judiciaire reste encore pour un certain temps l'expert retenu à titre conventionnel.









article paru dans la revue Echo Bruit n° 172 - mai 2022

N.B.
Observons que l’article 750-1 du Code de procédure civile, qui instituait la médiation préalable obligatoire en application du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, a été annulé par le Conseil d’État le 22 septembre 2022 (décision n° 436939) à la suite de la saisine du Conseil National des Barreaux, de la Conférence des bâtonniers, de l’ordre des avocats au barreau de Paris, de l’Association des avocats conseils d’entreprises, de la Confédération nationale des avocats et de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats puis ultérieurement du syndicat des avocats de France et du syndicat de la magistrature.