samedi 4 février 2023

LE TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE MOTIF D'IMPROPRIÉTÉ À DESTINATION

extraits du compte-rendu du colloque du C.E.J.I.B. du 22 septembre 2022
sur le thème de la "Responsabilité des constructeurs concernant les vices cachés, vices apparents, désordres évolutifs et futurs"

avec en particulier pour intervenants :
- Monsieur Yves MAUNANT Conseiller-doyen de la 3ème ch. civ. de la Cour de cassation
- Monsieur Luc-Michel NIVOSE Conseiller honoraire de la 3ème ch. civ. de la Cour de cassation
- Maître Jérôme MARTIN Avocat à la Cour

 M. Jacques LAUVIN

Une dernière question de Thierry MIGNOT sur l'acoustique.

M. Thierry MIGNOT

La question est très courte. Mais je vais vous demander de supporter en préalable cinq attendus :

   1) Le règlement acoustique de construction a ceci de particulier de présenter le seuil d'infraction comme objectif à atteindre, en fixant une valeur minimale à satisfaire plutôt qu'un seuil à ne pas franchir (arrêté du 30 juin 1999) ; ce qui contribue à assimiler ledit règlement à un document normatif.

   2) L'assimilation du règlement aux règles professionnelles de l'art se trouve dûment confirmée par la publication d'un guide ministériel intitulé : Exemples de solutions acoustiques, avec pour objectif de « conduire à la conformité à la réglementation acoustique dans la majorité des cas ». Il s'agit d'un règlement qui fixe le seuil de l'infraction et l'objectif à atteindre.

   3) On remarque que, conformément à leur objet, lesdites règles de l'art renseignent la qualité acoustique des constructions suivant des critères intrinsèques de performances d'ouvrages, qui ne peuvent donc se trouver confondus avec les critères d'évaluation du trouble à la personne.

   4) Il résulte de cette situation que les règles de l'art acoustiques en matière de construction conduisent à des émergences possibles de bruit excédant les seuils régulièrement admis pour l'appréciation de l'anormalité d'un trouble.

   5) L’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2017 rappelant que « le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédent les inconvénients normaux de voisinage s'applique aux propriétaires, et plus généralement à tous les occupants d'un immeuble en copropriété, et donc, notamment, dans les rapports entre le syndicat des copropriétaires et un copropriétaire », il devient ainsi possible qu'un ouvrage conforme aux règles de l'art en matière de construction engage pour autant la responsabilité du syndicat des copropriétaires au titre d'un trouble excessif occasionné à un copropriétaire par le bruit de parties communes (par exemple bruit d'ascenseur ou bruit de vidange).

J'en viens à la question :

   Est-il permis au syndicat des copropriétaires de rechercher le maître de l'ouvrage en responsabilité pour vice caché, ceci en dépit du respect des règles de l'art de la construction, au motif du trouble anormal de voisinage occasionné à un copropriétaire par le bruit excessif, au sens du principe prétorien, d'un équipement collectif de l'ouvrage ? S'agit-il d'un désordre futur ?

M. Yves MAUNAND

Ce n'est pas un désordre futur. Il semble se révéler dans toute son ampleur. La réponse est oui. Il peut rechercher la responsabilité du maître d'ouvrage ou du constructeur.

Un intervenant

C'est une impropriété à destination.

M. Yves MAUNAND

Oui, tout à fait. 

Me Jérôme MARTIN

C'est le propre de l'évolution des règles de l'art. Nous avons eu le cas il y a quelques années de revêtements de sol sur des balcons, qui génèrent souvent des fuites et des dégradations importantes des dalles. À chaque fois on fait référence aux règles de l'art. Il y a un désordre ; pour autant il constitue en soi un dommage. Donc le mécanisme de la responsabilité des constructeurs fonctionne.

M. Thierry MIGNOT

On se rend bien compte ici de l’enjeu pour les maîtres d’ouvrage. C'est très important. Un syndicat de copropriétaire ne doit plus réceptionner un ouvrage, si effectivement l'objectif de confort acoustique se trouve limité au respect de la réglementation.

Me Jérôme MARTIN

Si vous me permettez, il a tout intérêt à réceptionner un ouvrage sans réserve absolument sur ce poste — je dis ça, j'espère que nous sommes enregistrés — pour bénéficier éventuellement du régime de la garantie décennale. C'est redoutablement efficace.

M. Jacques LAUVIN

Je vous remercie.

(applaudissements)