(Extraits de l’intervention au 54e congrès du CNEAF)
Thierry Mignot, architecte, acousticien et expert agréé par la Cour de cassation, tient à rappeler qu'au sens du droit, l'expert ne peut pas déduire un trouble à partir d'un désordre, le trouble ne doit pas être potentiel, mais effectif et constaté.
L'appréciation cognitive du bruit dépend de l'histoire, de l'expérience, de la culture de chaque individu. Face à une source de bruit : soit on l'ignore, soit on l'apprécie, soit on la rejette.
Le travail de l'expert consiste aussi à renseigner le juge sur l'existence d'un trouble dont les causes tiennent à l'effet d'intrusion, d'effraction dans la sphère privée.
Les tribunaux reconnaissent aujourd'hui l'effet nocebo, à savoir que le sentiment de danger du bruit peut être plus impactant que le bruit lui-même.
Très souvent dans le cadre expertal on se demande si le bruit crée le trouble ou si c'est le trouble qui crée le bruit.
L'expert doit rendre compte d'éléments strictement factuels et d'indicateurs objectifs du trouble anormal de voisinage.
Au regard des décisions en la matière, on s'aperçoit qu'au-delà de la vérification de l'existence du bruit par un acousticien, la plupart du temps les facteurs retenus par les magistrats sont liés à des notions d'incongruité, de défaut de comportement ou de manques de précaution.
Le sonomètre est utile pour dire aux juges si le bruit existe et s'il est significatif, car il arrive que des personnes ressentent des bruits strictement physiologiques ; les acouphènes peuvent être liés à des problèmes cardiaques.
L'expert est capable d'apprécier si une source est naturelle dans les lieux ou si elle relève d'un défaut de précaution, telle une pompe à chaleur installée derrière une maison dépourvue de fenêtre mais devant la terrasse du voisin.
L'appréciation de la normalité est importante : ainsi pour une même source de bruit, le juge peut considérer qu'il y a ou non un trouble anormal.