samedi 4 avril 2020

LA PARTICULARITE DU BRUIT DE VOISINAGE


Le bruit en milieu industriel, sur les lieux diffusant des sons amplifiés ou affectant différentes pratiques sportives est susceptible d’engendrer des pertes d’audition temporaires, voire irréversibles, suivant l’intensité et la durée de l’exposition; on évoque dans ce cadre les effets auditifs directs du bruit.

Pour sa part le bruit de trafic exposant les lieux de vie reste trop faible pour occasionner des effets sur l’audition; en retour différentes études épidémiologiques démontrent, en dépit d’attitudes variables de la population, une relative stabilité entre l’intensité et diverses atteintes à la santé (gêne, perturbations du sommeil, risques cardiovasculaires notamment).

A la différence des précédents, le bruit de voisinage présente la particularité d’occasionner des troubles sans relation causale avec l’intensité; à l’exception bien sûr des situations où l’intensité est révélatrice de modes de comportement ou de faits particuliers.

On rappelle que l’effet de stress résultant de l’exposition au bruit de voisinage est identifiable par les perturbations psychologiques, physiologiques, organiques et sociales qui en résultent.

Ainsi des bruits faibles, lorsqu’ils sont répétitifs ou durables, peuvent occasionner par leur origine des troubles que ne produisent pas nécessairement des bruits forts, tolérés si ce n’est même ignorés par manque de signification.

De la sorte le bruit de voisinage présente la particularité de ne pouvoir être caractérisé par le seul sonomètre; ce qui doit conduire à admettre que toute tentative de contrôler ce dernier, à l’instar des bruits amplifiés ou de trafic, au moyen d’une limitation de l’intensité (ou de l’émergence) reste très relative.

Aborder la question du trouble de bruit de voisinage suppose en conséquence de dépasser le domaine physico-technique pour aborder celui de l’appréhension du bruit; cette dernière constituant en quelque sorte l’ultime étape du processus du trouble, entamé par une excitation physique, suivi d’une sensation physiologique puis d’une perception consciente.

C’est donc bien dans la forme de l’appréhension du bruit qu’il convient de rechercher l’origine du trouble, autrement dit dans la représentation que l’individu est susceptible de s’en faire; ceci à travers différents facteurs.

Des facteurs psychologiques: on rappelle que l’ouïe assure une forme de veille permanente, engendrant des mécanismes de défense et souvent la difficulté de discriminer le bruit en tant que tel par rapport aux émotions qu’il produit; c’est un peu comme si l’on incriminait le postier chaque fois que ce dernier dépose une mauvaise nouvelle dans la boite aux lettres.

On observe encore la tendance commune à déplacer sur le bruit, au motif d’être subi, un certain nombre d’insatisfactions; faisant de ce dernier une sorte de bouc émissaire ou de « mauvais objet » au sens psychologique du terme.

Des facteurs socio-culturels sont aussi en jeu: la façon de vivre des voisins ne correspond pas toujours à son propre modèle et le comportement du sudiste reste toujours différent de celui du nordiste; quelles que soit les latitudes.

Si le motif du trouble de voisinage résulte essentiellement dans l’appréciation du caractère indésirable du bruit, avec donc cette idée d’affect, il apparaît pour autant utile de distinguer le trouble de la personne du trouble à la personne; d’où le principe juridique du trouble de fait.

Une telle distinction s’impose au titre de la prévention du risque sanitaire et social du bruit de voisinage en conférant ainsi à ce dernier le statut d’agent physique extérieur; objectivable par des indicateurs factuels aptes à caractériser l’excès à l’instar de l’appréciation de l’anormalité en matière civile.

Ces indicateurs factuels, participant du processus d’appréhension, relèvent d’aspects comportementaux et de contexte; les deux se trouvant indissociablement retenus dans de nombreux jugements.

S’agissant du comportement, il est rappelé que l’obligation de précaution se trouve déjà prévue dans le Code de la santé publique pour le bruit des chantiers

Concernant le contexte, les propositions de loi visant tantôt « à préserver les activités traditionnelles et usages locaux des actions en justice de voisins sensibles aux bruits et aux odeurs » tantôt « à protéger le patrimoine sensoriel des campagnes » conduiraient en cas d’adoption à reconnaître l’usualité d’ « activités » et de « pratiques », en l’occurrence sonores, propres aux « communes » et aux « territoires ruraux ».