Le sujet imparti par le CIDB lors de la journée « Collectivités – Bonnes pratiques » du 14 novembre 2024 concernant en particulier l’incitation à la résolution amiable des conflits de bruit de voisinage, il est observé à l'instar des recommandations du site Service-Public.fr que l'impéritie du dispositif réglementaire actuellement en vigueur en constitue indirectement mais certainement le vecteur.
Il est ainsi conseillé par ledit site Service-Public.fr de procéder comme suit en cas de bruit de voisinage comportemental:
« Accomplir des démarches préalables »« Accomplir des démarches supplémentaires en cas d'inaction de l'auteur du bruit »« Faire une tentative de règlement amiable »« Envisager un recours au juge en cas d'échec du règlement amiable »
En recommandant de procéder, après avoir effectué les démarches administratives, à une tentative de règlement amiable avant d'ester en justice* le site officiel de l'administration française apparaît ainsi pour le moins réservé sur les chances de succès d'un "appel à la police ou à la gendarmerie".
(*On rappelle que le recours à une tentative de règlement amiable des conflits est obligatoire lorsque la demande en justice est relative à un conflit de voisinage ou à un trouble anormal de voisinage - Le décret n°2023-357 du 11 mai 2023 s’applique pour les demandes en justice introduites à compter du 1ᵉʳ octobre 2023)
L'impéritie réglementaire en matière de bruit de voisinage concerne en particulier la relativité du seuil de la sanction et l’improbabilité de la verbalisation.
Sur la relativité du seuil de la sanction
* Les critères d’infraction pour les bruits d’origine domestique ou de particuliers offrent toutes possibilités d’interprétation des principes généraux de durée, de répétition ou d’intensité énoncés par le Code de la santé publique.* Les critères d’émergence pour les bruits d’activité instituent le droit de nuire en réduisant la définition du seuil d’infraction au seul critère numérique.
Comment admettre par exemple que l’émergence de + 7dB en basse fréquence d’un bruit manifestement perturbateur ne soit pas répréhensible ?* Le critère d’émergence n’a pas grande pertinence pour prévenir la tranquillité des personnes dès lors que le bruit n'est évidemment pas réductible à du son, mais essentiellement porteur d'information; laquelle peut contribuer à elle seule à l’origine du trouble.
C’est ainsi que l’OMS, l’Académie de médecine ou encore le Groupe Santé-environnementale de l’Assemblée nationale dénoncent les effets sanitaires délétères résultant du seul caractère indésirable du bruit.
Et puis encore, comment faire accepter l’idée d’une médiation à un bruiteur sûr de son bon droit au motif que son installation est règlementairement conforme, ceci en dépit d'un trouble manifeste ?
Sur l’improbabilité de la verbalisation sonométrique
* Le calcul de l’émergence est subjectif et donc contestable.
Le choix des intervalles de temps comparatifs entre le bruit particulier incriminé et le bruit résiduel relève de l’entière appréciation de l’agent verbalisateur.
Il en résulte dans les mêmes situations des états conformes ou non conformes suivant le choix des périodes respectives par l'agent et l’on observe même des cas où l’émergence est retenue comme négative dans le procès-verbal de constat; c'est-à-dire des cas où la période de bruit résiduel sélectionnée présente un niveau de bruit supérieur à celle correspondant à la période d'apparition du bruit perturbateur.* Le dispositif réglementaire complexifie à l’excès la pratique sonométrique.
On rappelle l’obligation fixée par le décret du 3 mai 2001 en cas de mesurages intéressant la santé d’utiliser un sonomètre à la fois contrôlable et contrôlé.
Ainsi se trouve proscrite l’utilisation de sonomètres grand-public et par ailleurs ces derniers ne permettent pas le calcul de l’émergence, ni ne renseignent des valeurs en dessous de 30 dB ; ce qui rend irréaliste l'énoncé d’une sonométrie simplifiée.* Le mode opératoire réglementaire est impropre au constat.
La norme NFS 31.010, réglementairement applicable, impose une analyse de la situation sonore plus proche de la recherche scientifique que du cliché instantané propre au constat.
On remarque qu’aucun procès-verbal rédigé aujourd'hui par une quelconque administration ne respecte dans le détail la forme du compte-rendu prescrite à l’article 7.1. de ladite norme, pour autant nécessaire à la validation du constat et ce d'autant plus lorsque le procès-verbal annonce "ne déroger à aucune des dispositions".
A la différence du constat sonométrique la tentative de résolution amiable se trouve incitée d'une manière positive par la procédure de constat à l’oreille.
On rappelle que la procédure de constat d'infraction à l’oreille (ou constat auditif) s’applique :
- aux bruits domestiques et de particuliers en dérogation aux à l'article R.1336-6 du Code de la santé publique visant les seuls bruits d'activités
- aux bruits d'activités suivant la note interministérielle du 5 décembre 2023, ainsi que suivant l'interprétation jurisprudentielle de la Cour de cassation pour ce qui concerne le bruit de la clientèle des établissements (décisions des 08/03/2016 et 04/01/2020)
On rappelle que le principe du constat à l’oreille n’est pas nouveau puisque le bruit se trouve réglementé au titre des critères d’incommodité des établissements industriels depuis le décret du 7 mai 1878, tandis que les premiers sonomètres portables ne sont apparus que vers 1960 et que la mesure acoustique infractionnelle n'a été introduite qu'un siècle plus tard par la circulaire n° 3055 du 21 juin 1976.
Il convient en effet de retenir que la mise en évidence par l’agent verbalisateur de critères strictement factuels d’infraction, tels que l’absence de représentativité ou l'incongruité de la source dans le contexte, l’évitabilité du bruit ou le manque de précaution, exige dans la pratique de se trouver exposée en présence des parties, favorisant ainsi le débat contradictoire et la possibilité d'un échange constructif.
C’est en tout cas l’usage en expertise judiciaire lors de l’instruction d’un trouble anormal de voisinage et sans doute l'expérience expertale en la matière mériterait de se trouver partagée dans le cadre de la formation des agents verbalisateurs au constat auditif.
La médiation a cependant ses limites
La médiation partant du principe de la recherche entre les parties d’un accord directement convenu entre ces dernières, il est donné de constater que la convention qui en résulte repose le plus souvent en matière de bruit sur le malentendu d’une possible résolution technicienne, de surcroît fondée sur des dispositions correctives inefficaces.
C’est par exemple le cas de la pose inutile mais pour autant convenue d’un tapis sur un plancher d’immeuble flexible, impropre à la prévention du bruit sourd occasionné par le déplacement des personnes.
Seule la participation active d’un technicien lors de la tentative de rapprochement est donc de nature à rappeler la relativité de dispositions techniques correctives, de surcroit devant un conflit engageant plutôt des relations personnelles, où peuvent se mêler l'intolérance, l'incivisme et souvent un frottement culturel.
On rappelle que la procédure amiable dite convention de procédure participative prévoit la consultation d’un technicien et que la prohibition prévue à l’article 240 du Code de procédure civile vise le juge et lui-seul, ce qui n’interdit donc pas à l’expert de susciter le rapprochement des parties dans le cadre d’une instruction technique judiciaire.
Il est encore noté que le juge peut déléguer à un conciliateur son pouvoir de médiation.